Bilan des votes des délégations d’eurodéputés français durant la législature 2019-2024

© European Union 2021 – Parlement européen – Denis LOMME

Durant la 9ème législature[1], il est possible d’établir un bilan statistique des votes des délégations d’eurodéputés français à partir de l’enregistrement par les services du Parlement européen des résultats des votes par appel nominal. Deux limites bornent notre exercice : le dépouillement effectué n’étant que statistique, il s’en tient à recenser les votes selon les 3 options possibles : pour, contre et abstention et ne renseigne pas sur la teneur du texte voté ; par ailleurs, le volume des votes est tel, près de 18 000 (17 852), que le choix a été fait d’opérer une sélection. Ont été écartés les votes d’ordre du jour, de demandes de levée d’immunité, d’accord provisoire et surtout d’amendements pour ne retenir que les résolutions, les propositions de la Commission et les projets de décision du Conseil. Il reste 1 400 (1 394) votes qui composent un échantillon quantitatif et qualitatif suffisant pour l’analyse. Cette analyse comporte une triple approche : la posture de chaque délégation dans le débat parlementaire européen, son positionnement au sein du groupe politique européen d’appartenance et la cohésion interne de la délégation.

Les postures des délégations d’eurodéputés français dans les débats parlementaires européens exprimés par les votes, présentent de  grandes différences.

On peut distinguer une posture d’accompagnement,  une posture d’opposition et, intermédiaire, une posture de soutien distancié.

La posture d’accompagnement s’exprime dans la propension à voter favorablement quand l’inclination au vote négatif traduit la posture d’opposition. Avec plus de  9 votes sur 10 favorables, trois délégations relèvent de l’accompagnement. Il s’agit de Renew avec plus de 96 %, des Sociaux-démocrates à plus de 94 % et des Verts à près de 91 %.  Les votes négatifs sont inférieurs à 5 % pour les 2 premiers et atteignent à peine 6 % pour le troisième. L’abstention est exceptionnelle pour Renew et les Sociaux-démocrates, très faible pour les Verts à 3 %. Relevant aussi de l’accompagnement, la posture de la délégation du PPE, est moins affirmée avec un peu plus de 82 % de votes positifs, mais plus de 8 % de votes négatifs et plus de 9 % d’abstention. Avec la Gauche européenne, l’accompagnement s’effrite un peu plus ; si les votes restent majoritairement favorables à près de 78 %, les votes négatifs atteignent les 14 % et l’abstention plus de 8 %. La posture d’opposition caractérise la délégation ID avec près de la moitié de votes négatifs (47,5 %),  pour un peu plus d’un tiers de votes favorables (36 %). L’abstention s’établit à 17 % avec une tendance à la hausse pendant la législature de 12,6 en 2020 à 19,3 en 2023.

Sans vraiment surprendre, compte tenu des positions eurosceptiques du Rassemblement national qui compose la délégation française du groupe politique Identité et Démocratie, l’analyse des votes des eurodéputés français d’ID met en valeur une forte posture d’opposition  qui leur permet de se démarquer des autres délégations françaises.

L’analyse des votes émis par les délégations d’eurodéputés français permet de caractériser leur positionnement au sein du groupe politique européen d’appartenance.  

Les groupes politiques du Parlement européen étant transnationaux, une concertation entre les différentes délégations nationales qui composent le groupe  européen permet d’arrêter une position de groupe avant les votes en séance plénière. Du respect de la position arrêtée dépend la cohésion du groupe politique. Le dépouillement permet d’apercevoir le degré de conformité des votes effectués au sein des groupes par les différentes délégations françaises.  De façon globale, près de 9 votes sur 10 des délégations françaises sont conformes à la position du groupe politique d’appartenance (88 %). Les 12 % de votes non conformes, un millier (1 002) sur  plus de 8 000 (8 358) votes cumulés des 6 délégations françaises,  sont répartis très inégalement selon ces dernières. Championne toute catégorie, la délégation ID avec près de la moitié (45 %) de ses votes en décalage avec le reste du groupe pour près de la moitié de ses votes (45 %). En décalage, le plus souvent avec la délégation italienne ID composée de la Liga de Salvini. Un tel constat infirme les grandes déclarations d’union de leurs leaders respectifs, en réalité prisonniers de leur nationalisme. Autre discordance, bien que moins importante, la délégation française du PPE, seule ou accompagnée est, pour 11 % de ses votes, en décalage avec le groupe. A un peu plus de 8 %, la délégation de la Gauche européenne dans un groupe européen aux effectifs modestes. Les 3 autres délégations montrent une belle discipline avec  les Verts sous la barre des 1 % de non-conformité, les Sociaux-démocrates et Renew autour de 3 %.

A l’intérieur des délégations françaises, les votes des eurodéputés traduisent une cohésion différentielle.

Si les eurodéputés ne peuvent recevoir de mandat de vote, ils sont néanmoins  tributaires de leur engagement. Cela explique que moins de 5 % des votes (4,7 %) soient éclatés au sein des délégations françaises mais avec une forte inégalité entre elles. Délégation à forte discipline interne, ID avec « écart exceptionnel » (1 %). A l’opposé, écart pour 9 % des votes des eurodéputés français du PPE et  plus de 7 % pour ceux des eurodéputés de la Gauche européenne. Seul point commun entre les 2 délégations, une taille très réduite (8 et 6 membres) dont on pourrait s’attendre qu’elle facilite la cohésion plutôt que la dispersion. Pour les 3 autres délégations, Renew, Sociaux-démocrates et Verts, on est à 4 % et l’écart est le fait d’un ou deux membres.

Cette étude exclusivement statistique met en exergue la singularité de la délégation française ID, c’est-à-dire des eurodéputés du Rassemblement national : posture d’opposition, positionnement « national », forte discipline interne. En contraste, point par point avec la délégation ID, les délégations Renew, Socialiste et Vert. En situation d’accompagnement moins affirmé qu’elles, la délégation du PPE et, plus « hésitante », la délégation de la Gauche européenne.


[1] En raison de contraintes liées au dépouillement, l’analyse porte sur la législature amputée des deux dernières sessions, (10-12 avril et 22-25 avril 2024).

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