Bilan statistique des activités parlementaires des eurodéputés français durant la législature 2019-2024

© European Union 2019 – Parlement européen – Michel CHRISTEN

Dans quelques semaines, les eurodéputés en termineront avec la 9eme législature[1]. Pendant cinq ans, ils ont travaillé à Strasbourg et à Bruxelles, sans bénéficier, sauf épisode dramatique,  d’une grande attention médiatique. Etablir un bilan de leur mandat quinquennal, permet de renseigner les citoyens sur l’activité de parlementaire européen[2]. Activité et non positionnement politique. En effet, il ne s’agit pas d’une analyse qualitative visant à dégager les thèmes privilégiés et les options politiques exprimées durant la législature lors des votes. Il s’agit de recenser les interventions ou encore les activités parlementaires des députés telles qu’elles sont enregistrées  pour chacun d’entre eux, session après session, par les services du Parlement européen. Ces fiches individuelles sont consultables sur le site de l’institution[3]. Scrutin national oblige,  le dépouillement auquel nous avons procédé, porte sur la seule représentation française de 79 membres amputé des 11 qui ayant remplacé en cours de mandat des parlementaires décédés, démissionnaires  ou appelés à une autre fonction (député national, ministre), ont un bilan d’activités incomplet.

Deux précisions préalables. Dresser le bilan individuel des activités parlementaires des eurodéputés ne vise pas à distribuer des bons et des mauvais points. Pas de noms, pas de classement, pas d’appréciation. Le lecteur citoyen tirera ses propres conclusions à partir des 68 fiches individuelles établies par les services du Parlement et mises en tableau récapitulatif sur notre site[4]. Par ailleurs, nous laissons de côté la question de la présence sur laquelle les fiches individuelles, notre document source, sont muettes.

Sur ces fiches, distinction est faite entre activités parlementaires principales et activités parlementaires autres[5].

En tête de liste des activités principales, les contributions aux débats en séance plénière mensuelle à Strasbourg durant 4 jours, du lundi au jeudi et, pour des sessions supplémentaires, à Bruxelles. Ces contributions précèdent le vote. Ce sont les discours prononcés par des orateurs inscrits préalablement qui parlent de la tribune centrale et les interventions courtes d’autres orateurs  parlant de leur place  selon une répartition précise du temps de parole entre les groupes. La contribution aux débats en séance plénière solennelle et publique, si elle exige beaucoup, constitue pour les intervenants une mise en lumière médiatique. Quant aux eurodéputés qui n’ont pas pris la parole, ils peuvent remettre, une fois par session, une déclaration écrite limitée à 200 mots.

Durant la législature, près de 3 900 (3 887) contributions d’eurodéputés français ont été enregistrées soit une moyenne de 57 par parlementaire. Mais la disparité au sein de la représentation française est forte : ainsi 14 intervenants sont à moins de 30, quand 8 dépassent la centaine.  Aux extrêmes, si 2 eurodéputés sont au-delà des 150 (172 et 156), deux autres s’abstiennent de toute intervention.

En amont de la plénière, un travail essentiel s’effectue en commission. Durant deux semaines par mois, les propositions législatives émanant de la Commission européenne sont analysées, discutées en commissions parlementaires spécialisées à Bruxelles. Les réunions de ces commissions sont publiques. Il existe 20 commissions permanentes et 4 sous-commissions rattachées.

Les effectifs varient selon les commissions de 24 à 88 députés avec autant de suppléants. A la tête de chaque commission un président et deux ou trois vice-présidents élus pour deux ans et demi sont appuyés par un secrétariat assuré par les administrateurs du Parlement européen. Le président de la commission, en étroite liaison avec les coordinateurs choisis en son sein par chaque groupe politique, organise les travaux de la commission : audition des experts, choix des rapports, avis à adopter et il désigne le(s) rapporteur(s). Dans sa tâche, ce rapporteur doit tenir compte du « regard » d’un ou de plusieurs rapporteurs fictifs désignés au sein de la commission par les groupes politiques et chargés de suivre l’évolution des travaux,  de négocier éventuellement des compromis avec le rapporteur.  Le travail des commissions et leur coopération sont coordonnés par la conférence des présidents de commissions qui se réunit à la veille de la plénière à Strasbourg sous la direction d’un président élu.

L’analyse de la présence des eurodéputés français dans les commissions en tant que titulaire et suppléant ménage quelques surprises. Si 32 sont membres titulaires d’une commission et 26 autres de deux, 7 eurodéputés siègent  dans 3 commissions et un dans 4  mais 2 ne sont membres titulaires d’aucune. Par ailleurs, 4 eurodéputés, titulaires d’une unique commission sont sans suppléance. Les commissions les plus prisées par les eurodéputés français sont les Affaires étrangères, le Développement régional, les Affaires juridiques. Les eurodéputés français occupent 6 présidences de commission : P. Canfin, Environnement, santé publique et sécurité alimentaire,  P. Karleskind, Pêche, K. Delli, Transports et tourisme, Y. Omarjee, Développement régional, N. Loiseau, sous-commission Sécurité et défense et R. Glucksmann,  à la tête de la commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne y compris la désinformation. A ces 6 présidences s’ajoutent 7 vice-présidences assurées par des parlementaires français.

Pendant la législature, les eurodéputés français ont présenté 146 rapports avec une  grande disparité. Ainsi 2 en comptent plus de 10 (12 et 13)  mais 29 n’en ont élaboré  aucun et 8, un seul. Néanmoins, ces parlementaires, à une exception, ont produit des rapports fictifs de groupe. Par ailleurs, la plupart ont sollicité, en tant que rapporteur désigné par leur commission, un avis auprès d’une autre commission concernée par des aspects du sujet ou proposé par cette autre commission.

S’agissant de la contribution au débat et du travail de fond sur les propositions législatives émanant de la Commission, l’activité des 68 eurodéputés français apparaît pour le moins contrastée.

Durant la plénière, deux autres activités principales mobilisent les eurodéputés.

Les propositions collectives de résolution portent sur des sujets d’actualité. Déposées à la demande d’une commission, d’un groupe politique ou d’au moins 5 % des députés, ces résolutions n’ont pas de valeur contraignante, mais mises aux voix en séance plénière, elles n’en constituent pas moins un « geste » politique.

De 2019 à 2024, les eurodéputés français ont avancé près de 1 900 (1887) propositions collectives de résolution soit une moyenne de 28 par eurodéputé. Au vrai cette moyenne est illusoire : ainsi, 18, soit un quart des parlementaires français, n’y ont quasiment pas eu recours, 10 n’ayant déposé qu’une résolution et les 7 autres, aucune. A l’inverse, 11 eurodéputés ont dépassé les 40 propositions et pour 2 d’entre eux, les 200 ! (237 et 348).

Des questions avec demande de réponse orale suivie d’un débat, adressées à la Commission européenne, au Conseil ou Haut représentant de l’Union, peuvent être déposées par une commission, un groupe politique ou au moins 5 % des députés. La question est développée lors du débat par un député préalablement désigné par les auteurs de la question.

Durant la législature, les eurodéputés français ont soutenu près de 400 questions orales (381). Cela représente un peu plus de 5 questions par parlementaire. Mais, une fois encore, il existe de fortes différences.  Près de la moitié des parlementaires sont en deçà de 5, dont 8 à 1 seule question et 4 sont aux abonnés absents mais  7 sont au-delà de 10, dont 1 à 20.

Concernant les activités parlementaires principales en plénière, le bilan des eurodéputés français est contrasté : certains animent et prennent la lumière quand d’autres, plus nombreux, assistent.

En dehors de la plénière mais non sans rapport avec elle, les eurodéputés développent des activités parlementaires autres au nombre de 3.

L’une d’entre elles consiste pour les députés à remettre par écrit une explication de leurs votes émis lors de la plénière. Cette explication en 200 mots est retranscrite sur la page réservée au député et peut être lue par le citoyen européen sur le site internet du Parlement.

Durant la législature, les eurodéputés français ont fourni près de 25 000 (24 776) explications de vote écrites représentant une moyenne de 364. Moyenne une fois encore illusoire puisque 11 parlementaires n’en ont proposé aucune et 16 n’y ont recours qu’exceptionnellement (entre 1 et 4). A l’inverse, d’autres ont quasi systématisé la pratique : ainsi 15 eurodéputés ont délivré plus de 700 explications et parmi eux, 7 ont dépassé les 1 400.

Par ailleurs, les députés peuvent poser un nombre défini de questions écrites avec demande de réponse écrite au président du Conseil européen, au Conseil, à la Commission,  au Haut(e) représentant) de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité mais aussi auprès de la BCE. Les questions sont remises sous forme électronique et chaque député, groupe politique ou commission peut poser au maximum vingt questions sur une période continue de trois mois. Les questions non prioritaires doivent recevoir une réponse dans un délai de six semaines à compter de la notification à l’institution concernée.  Le délai est de trois semaines pour les questions désignées chaque mois comme prioritaires par tout député, groupe politique ou commission.

Durant la législature, les 68 eurodéputés français ont posé plus de 4 800 (4 815) questions avec demande de réponse écrite soit une moyenne de 71 par parlementaire. Onze d’entre eux dépassent les 100 questions posées et 4 sont même au-delà des 200. Mais 11 parlementaires sont en deçà du tiers soit 23 et même, pour 3, en dessous de 9. La très grande majorité des questions sont adressées à la commission (92 %), devant le Haut représentant (7,35 %), le Conseil (3 %), la BCE (1 %) et 2 demandes sollicitent la Présidence du Conseil européen.

Enfin, tout député peut déposer à titre individuel une proposition individuelle de résolution qui exprime sa position. La résolution porte sur un sujet qui entre dans le cadre des activités de l’Union européenne et ne doit pas excéder 200 mots. Elle est transmise à la commission compétente qui décide s’il y a lieu de donner suite à la proposition de résolution et, dans l’affirmative, d’arrêter la procédure à suivre.
Durant la législature, 314 propositions individuelles de résolution ont été déposées par les eurodéputés français et retenues soit un peu moins de 5 par parlementaire. Près de la moitié des députés n’ont pas dépassé la moyenne, un quart se sont abstenus, mais 7 sont à 14 propositions et plus.

L’analyse statistique des activités parlementaires, principales et autres, montre un degré d’implication individuelle des eurodéputés français très contrasté. Bilan contrasté en volume d’activités mais aussi et surtout en type d’activités pratiquées. Pour ce second aspect, la question se pose de savoir si le recours plus ou moins développé à telle ou telle activité relève d’un choix personnel des eurodéputés ou s’il obéit à une stratégie collective arrêtée au sein du « groupe » politique d’appartenance ?


[1] En raison de contraintes liées au dépouillement, l’analyse porte sur la législature amputée des deux dernières sessions (10-12 avril et 22-25 avril 2024).

[2]  Pour tout connaître de l’organisation, du fonctionnement et de l’activité du  Parlement européen : La plénière : guide de l’utilisateur (Version mise à jour en 2019), www.europarl.europa.eu

[3] Recherche/Députés/Parlement européen/France. www.europarl.europa.eu/

[4] Sur le site de la Maison de l’Europe-EUROPE DIRECT Limousin

[5] Les eurodéputés, dans le cadre de leur mandat,  exercent d’autres activités : ils sont membres de délégations de nature diverse, ils remplissent des missions officielles et peuvent participer à l’animation d’intergroupes parlementaires.

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