Bilan statistique des activités parlementaires des délégations françaises durant la législature 2019-2024

© European Union 2019 – Parlement européen – Fred MARVAUX

Après avoir dressé le bilan individuel des activités des eurodéputés français, la deuxième partie de ce dossier bilan s’intéresse aux activités des « groupes » français que, pour éviter toute confusion, nous désignons sous le terme de délégations françaises au sein de groupes politiques européens.

En 2019, les 79 eurodéputés français se sont répartis dans 6 des 7 groupes politiques transnationaux du Parlement européen non comptés les non-inscrits. Par ordre décroissant :  les 23 élus du Rassemblement national ont intégré le groupe Identité et Démocratie (ID) avant de perdre 5 membres suite pour 4 d’entre eux à leur ralliement à Zemmour lors de la présidentielle de 2022 ; les 23 élus de la liste Renaissance ont rejoint le groupe Renew Europe avec durant la législature une arrivée et un départ ; les 13 eurodéputés d’Europe écologie, bientôt 12 après un départ, siègent dans le groupe Verts/ Alliance Libre européenne (Verts/ALE) ; les 8 élus de la liste Les Républicains  participent au groupe parlementaire le plus nombreux du Parti populaire européen (PPE) ; 7 élus de la liste Envie d’Europe écologique et sociale s’agrègent au Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen ou encore sociaux-démocrates (S&D)  et  les 6 eurodéputés de la France insoumise  au  Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) dite encore Gauche européenne. En 2024, l’un  des 5 non-inscrits a rejoint le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE).

Les 11 parlementaires français ayant intégré le Parlement en cours de législature sont écartés du bilan des délégations ainsi ramenées à 15 ID, 20 Renew, 10 Verts, 7 PPE, 6 S&D, 5  Gauche européenne, 1 CRE et 4 non-inscrits.

Pour dresser le bilan des 6 délégations françaises nous reprenons la distinction activités parlementaires principales et autres activités parlementaires.

S’agissant des contributions aux débats en séance plénière, qui constituent le temps fort de l’activité parlementaire, la moyenne s’établit à 57 contributions par eurodéputé français. Deux délégations se distinguent : la Gauche européenne avec plus de 443 contributions à 5 eurodéputés, dont 181 pour une eurodéputée et, à un degré moindre, ID avec, à 15, 1 059 contributions soit une moyenne de 70, 3 députés en assurant plus de 140 chacun. En retrait, les 20 eurodéputés de la délégation de Renew Europe malgré plus d’un millier de contributions (1 077) ont  une moyenne moindre de 54  sans différences notables entre eux à 2 exceptions près (128 et 8).  Les autres délégations contribuent dans des proportions proches : pour les 10 Verts, 583 soit 58 par personne, pour les 6 Sociaux-démocrates 251, soit une moyenne de 42 et 255 pour les 7 du PPE  soit 36 par personne. On le voit la prise de parole médiatisée  en séance plénière est pratiquée par tous les groupes avec mention particulière pour les « extrêmes » mais en réalité liée à la suractivité de quelques-uns de leurs membres.

En amont, se déploie l’activité exigeante de rapporteur de commission. Chargé d’élaborer la position du Parlement européen sur la proposition législative, le rapporteur effectue un travail préparatoire de fond, forge des compromis pour le vote en commission  puis en séance plénière et représente l’institution dans la négociation avec le Conseil.

Durant la législature, les eurodéputés français ont présenté 146 rapports. Près de la moitié (68), l’ont été par des eurodéputés Renew.  Si 10 d’entre eux en ont  présenté moins de 4, 4 autres en ont rédigé 6 et plus. Par ailleurs, ils ont assuré le suivi de 241 rapports fictifs. Trois autres délégations  se mettent en valeur dans cette activité : les 5 députés de la Gauche européenne avec 22 rapports dont 13 pour un seul d’entre eux et 390 rapports fictifs ; les Verts avec 19 par 7 membres sur 10 et 179 rapports fictifs   et, enfin,  les S&D,  21 rapports par  4 contributeurs sur 6 et 47 rapports fictifs.  Deux délégations ont un bilan faible : le PPE, avec, à 4 contributeurs, 7 rapports et 23 rapports fictifs et le groupe ID, avec 6 rapports par un unique rapporteur et une centaine de rapports fictifs dont la moitié remis par deux eurodéputés.

En séance plénière, des députés peuvent aussi intervenir sur des sujets d’actualité en déposant à la demande d’une commission, d’un groupe politique ou d’au moins 5 % d’entre eux, une proposition de résolution qui sera mise aux voix.

Dans cet exercice, les eurodéputés Renew sont les plus prolifiques avec un total de 1 154 propositions collectives de résolution soit une moyenne de 58. Deux eurodéputés explosent le compteur avec 348 et avec 237 mais deux autres n’en avancent qu’une. Suivent les Verts avec 348 propositions pour 10 députés tous actifs, La Gauche européenne avec 162 propositions à 5 et les S&D avec 78 propositions à 6. A la traîne, ID qui, à 15 déposent 93 propositions soit 6 en moyenne mais 53 par 2 eurodéputés  quand 7 autres sont à moins de 2. Le bilan du PPE est plus que maigre : 11 propositions dont 9 déposées par un seul député.

Toujours en séance plénière, à l’initiative d’une des commissions, d’un groupe politique ou d’au moins 5 % des eurodéputés, des questions avec demande de réponse orale suivie d’un débat, peuvent être  posées au Conseil, à la Commission ou au Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Inscrites à l’ordre du jour, ces questions  sont développées par des députés désignés.

Deux délégations sortent du lot : celle des S&D à 6 avec 58 questions dont 18 pour l’un d’entre eux et celle de La Gauche européenne avec à  5, 52 mais presque la moitié par un seul de ses membres (20) ; à peine décrochées, la délégation des Verts avec 72 à 10  dont 15  pour l’un des membres et celle de Renew avec 101 questions à 20 dont la moitié en deçà de 4 questions orales. Beaucoup plus timides, la délégation du PPE avec 28 interventions à 7 dont seuls 2  dépassent les 5 et, surtout, ID avec 58 pour 15 députés dont 10 sont à moins de 5 et parmi eux 5 à une intervention unique.

S’agissant des activités parlementaires principales, le bilan des délégations françaises est, de l’une à l’autre, contrasté. Pourtant c’est la timidité de la délégation ID dans le travail de fond qui étonne.

Qu’en est-il des autres activités parlementaires enregistrées sur les fiches nominales des eurodéputés ?

L’une d’entre elles consiste pour les députés à expliquer leur(s) vote(s) émis lors de la plénière dans un texte de 200 mots maximum consultable sur le site du Parlement. Dans cet exercice, à l’exception de 2 d’entre eux, les eurodéputés de la délégation ID excellent : à 13, ils fournissent plus de la moitié de l’ensemble des explications « françaises » (12 916 sur 24 716).

5 dépassent les 1 400 et 6 autres sont entre 600 et 1 100. En léger retrait, la délégation du PPE  délivre néanmoins près de 4 300 explications avec une répartition moins homogène qu’ID : 2 au-delà de 1 300  mais 2 à moins de 5. Ils sont talonnés par la Gauche européenne qui,  à 5 seulement en fournit plus de 2 500 non sans un grand écart de 1 404 à  27.  Dans les autres délégations, l’activité  n’est guère prisée : moins de 2 400 explications pour Renew avec 7 contributeurs à 5 et moins, mais  5  à plus de 200.  Le dépôt est exceptionnel  pour les Sociaux-démocrates, 168 avec une eurodéputée  à 161 ; pour les Verts,  6 explications de vote à 3 eurodéputés. L’eurodéputé nouvellement CRE avec 1 268 ainsi que 2 des 4 non-inscrits conservent les « habitudes » du groupe ID auxquels ils ont appartenu.

A l’évidence, l’explication de vote écrite pratiquée quasi-systématiquement par ID, participe d’une stratégie collective d’affirmation et, par là même,  de recherche de crédibilité.

Autre activité parlementaire hors séance plénière, la question avec demande de réponse écrite posée au président du Conseil européen, au Conseil, à la Commission et au Haut représentant de l’Union  pour les affaires étrangères et la politique de sécurité mais aussi à la Banque centrale européenne. Remises sous forme électronique les questions prioritaires déclarées prioritaires ou non doivent recevoir une réponse dans un délai de 3 à 6 semaines.

Dans cet exercice la délégation  ID, avec près de 2 000 questions (1 994)  sur 4 800,  soit 41 % du total, domine. 8 des 15 membres dépassent le nombre de 130 questions ; ils occupent les 8 premières places du palmarès et 4 d’entre eux sont au-delà de 200. Un seul s’en tient à 12. A l’instar de l’explication de vote, le recours à la question avec demande de réponse écrite, par son ampleur et son caractère systématique, s’inscrit dans une démarche collective. S’agit-il de provoquer un engorgement administratif des services sollicités ?  D’exercer un devoir de vigilance ? De compenser une participation et une implication dans le débat parlementaire public en demi-teinte ?

Trois autres délégations ont volontiers recours à la question avec demande de réponse écrite. Leur apport s’inscrit dans la moyenne des 71 questions avec une répartition interne plutôt équilibrée : à 5, La Gauche européenne dépose 370 questions, soit une moyenne de 74 ; à 6, les Sociaux-démocrates, déposent 442 soit 74 en moyenne ; les Verts sont quelque peu en retrait avec, à 10,  635 dépôts, soit 63 par eurodéputés et une moindre homogénéité (de 132 à 8). Les deux dernières délégations sont décrochées : avec 931 questions déposées, et une moyenne de 46, les 20 membres de la délégation  Renew sont loin du compte. Seuls 3 d’entre eux dépassent les 71 questions. Faut-il considérer que cette retenue résulte d’un effet de taille qui permet une plus grande répartition interne et un moindre recours individuel ? Ou est-ce la forte implication dans les activités parlementaires principales qui rend moins nécessaire la pratique de la question avec demande de réponse écrite. Enfin une délégation se singularise par un très faible recours à la pratique : les 7 eurodéputés du PPE avec un peu plus de 200 (212) questions n’atteignent pas les 30 par personne et l’un d’entre eux s’en tient à 2. Les 4 non-inscrits cumulent 231 demandes avec une certaine diversité  de 21 à 68.

Enfin, tout député peut déposer à titre individuel une proposition de résolution qui exprime sa position et qui peut être soutenue par d’autres signataires. La résolution n’excède pas 200 mots.

A l’instar des explications de vote  et des questions avec demande de réponse écrite, les résolutions individuelles « françaises » sont déposées très majoritairement par les eurodéputés ID. Sur un total de 314, avec 229, leur contribution représente presque les 3/4 et seuls 4 parlementaires sur 15 sont à moins de 10. Hors l’eurodéputé CRE avec 6, aucun des eurodéputés des autres délégations  ne dépose plus de 2 résolutions à l’exception d’un Vert et d’un S&D. Pour La Gauche européenne à 5 : 7 propositions ; pour le S&D, à 6, 11 ; pour les Verts à 10, 18. Les deux dernières délégations Renew et le PPE ignorent quasiment la procédure : 10 propositions par 10 des 20 membres de Renew ; 2 propositions pour le PPE.

A l’inverse, les 4 non-inscrits se mettent en valeur : 30 résolutions à 4.

L’analyse statistique des activités parlementaires principales et autres, si elle montre des bilans de délégation divers, met surtout en valeur la singularité de la délégation ID. En retrait pour les premières, ses membres recourent massivement et systématiquement aux secondes. Est-ce, pour les 15 membres de la délégation,  une manière de répondre au procès en inutilité fréquemment dressé contre l’extrême droite ?

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