Coup d’œil sur la Slovénie

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Petit pays d’Europe centrale (20 273 km2, 2,1 millions d’habitants), la Slovénie accède pour la première fois de son histoire à l’indépendance en 1991. Son avance économique, son organisation politique lui permettent d’adhérer, le 1er mai 2004, à l’Union européenne (UE), dont elle assume, pour la deuxième fois, la présidence du Conseil jusqu’en décembre 2021[1].

De retour en Europe centrale…

Ainsi, dans la capitale Ljubljana, la place de la Révolution devient la place du Congrès (Congrès de Laibach, ancien nom de la ville, 1821).

Dissociée de la Yougoslavie le 25 juin 1991, la Slovénie n’a jamais connu l’indépendance. Mais l’Europe centrale est son horizon politique et culturel. Les Slovènes ne se considèrent pas comme Balkaniques, terme pour eux péjoratif. Ils se sentent plus proches de l’Allemagne et de l’Autriche, ayant longtemps appartenu à cette dernière, dans une Europe centrale catholique et baroque.

Intégrée à la Yougoslavie en 1919, la Slovénie est un des premiers Etats à s’en détacher, sans grands dommages. La détérioration des rapports politiques au sein de cette fédération, l’effondrement du pouvoir communiste en Europe de l’Est, le désir d’indépendance permettent, en 1990, lors d’élections libres, une large victoire de nouveaux partis de centre droit à thématique nationaliste. Le 25 juin 1990, la Slovénie fait sécession et proclame son indépendance. Le 8 juillet, la déclaration de Brioni, inspirée par la Commission européenne, ouvre les négociations sur l’avenir de la Yougoslavie. La Slovénie, d’où ce sont retirées les forces fédérales yougoslaves, devient indépendante.

Montagneux (60 % de la superficie sont à une altitude supérieure à 400 m), le territoire slovène fait la transition entre l’Europe alpine et danubienne et les Balkans d’une part, entre l’intérieur du continent européen et les régions méditerranéennes d’autre part. Le mont Triglar culmine à 2864 m dans les Alpes juliennes ; au sud-est, le relief s’abaisse ; la Save et la Drave, rivières de plaine, s’écoulent dans de larges vallées. A l’ouest de Ljubljana, les chaînes dinariques calcaires (le karst), pays déshérité, se dépeuplent. Après la Finlande, la Slovénie est la deuxième région d’Europe la plus boisée (60 % du territoire). En 2016, la Commission européenne a décerné à Ljubljana le titre de « capitale verte de l’Europe ».

La population est la plus homogène de l’ex-Yougoslavie : 88 % de Slovènes, 2,7 % de Croates. Elle se concentre dans les vallées du Piémont alpin, autour de Ljubljana et de Maribor ; l’axe reliant ces deux villes joue un rôle majeur dans le développement du pays. Les Slovènes, par leur légendaire efficacité au travail, étaient considérés comme les « Suisses » de l’ex  Yougoslavie. Grâce à une forte capacité d’innovation, la Slovénie avait acquis une avance économique ; mais l’indépendance a provoqué une récession brutale : effondrement, en raison de la guerre, des échanges commerciaux avec les autres Etats de l’ex-Yougoslavie, embargo de l’ONU envers la Serbie et le Monténégro, diminution des échanges avec l’URSS.

Pour surmonter ces difficultés, le nouveau régime se tourne vers l’UE, avec laquelle est conclu un accord économique et commercial en avril 1993, puis un accord d’association en 1995.

… La Slovénie se tourne vers l’UE

En 2002, le Conseil européen de Copenhague reconnaît les efforts accomplis par un pays soucieux d’accéder à l’UE dans l’établissement d’institutions démocratiques, le respect des droits de l’homme et la mise en place d’une économie de marché.

L’entrée est acquise le 1er mai 2004, après un referendum organisé le 23 mars 2003 : 88,61 % des votants ont approuvé l’adhésion couplée à l’UE et à l’OTAN. Le pays adopte l’euro le 1er janvier 2007 et intègre l’espace Schengen le 21 décembre 2007.

La Slovénie est représentée par huit députés au Parlement européen. Les dernières élections européennes (mai 2019) y ont connu un faible taux de participation (28,9 %) mais en légère croissance (4,3 %). Le gouvernement de gauche a été désavoué : « Slovénie positive », le parti d’Alexandre Bratušek, n’a obtenu que 6,4 % des voix. Le parti démocrate slovène (SDS, droite), avec 26,4 % des suffrages, envoie quatre eurodéputés au PPE ; la liste des sociaux-démocrates (18,6 %) et celle de Marjan Sarca (15,4 %, groupe Renew Europe) obtiennent chacune deux sièges.

Janez Lenarčič, ancien ambassadeur de la Slovénie auprès de l’UE, est l’actuel Commissaire à la gestion des crises.

L’établissement d’institutions démocratiques est une condition essentielle pour l ‘accès à l’UE. La constitution adoptée le 23 décembre 1991 a mis en place un régime parlementaire : l’Assemblée nationale, composée de 90 députés élus pour quatre ans, partage le pouvoir législatif avec le Conseil national de 40 membres, élus pour cinq ans.

La fonction de président de la République, occupée actuellement par Borut Pahor (élu en 2012, réélu en 2017), est une magistrature morale.

Le Président désigne le Premier ministre pour former le gouvernement ; Janez Janša, en fonction depuis le 26 février 2020, mène une politique qui inquiète dans le pays , mais aussi à Bruxelles, quelques semaines avant que la Slovénie ne prenne la présidence semestrielle du Conseil de l’UE.

… Mais la dérive du « Maréchal Twitto » inquiète Bruxelles.

« Maréchal Twitto », c’est le surnom qu’ont donné à Janez Janša les opposants à sa politique : il fait le même usage de Twitter que celui qu’il admire, Donald Trump (en mars 2021, cent tweets par jour…).

Ancien sous-lieutenant de l’armée yougoslave, président du Parti démocratique slovène (SDS), Janša devient Premier ministre pour la troisième fois, après l’avoir été en 2004-2008 et entre 2012 et 2013. En 2014, il est condamné à deux ans de prison ferme pour corruption ; sa peine est annulée après six mois de détention.

Il a fait prendre un virage nationaliste à sa formation de centre droit, mené une campagne sur les modèles de Trump et de Orban : « Slovénie en premier » ; il développe une version plus brouillonne et moins solide du modèle illibéral que celle du Premier ministre hongrois Orban. Sur Twitter, il multiplie les messages provocateurs et son franc-parler séduit.

Les journalistes et les intellectuels constituent sa principale cible. Il coupe les vivres des médias ; le site Nova 24, créé par des membres du parti de Janša, publie des articles flirtant avec l’antisémitisme et le suprémacisme blanc.  En un an, la quasi totalité des directeurs et des directrices des principales institutions culturelles de Ljubljana ont été évincés, accusés « d’être alignés sur la gauche ». Les bureaucrates européens, jugés surpayés, sont moqués ; l’eurodéputé libéral belge Guy Verhofstadt est qualifié de « chef d’une puissance coloniale »…

La Slovénie tarde à désigner ses procureurs délégués au Parquet européen, nouvelle instance créée pour lutter contre la fraude et dont le rôle sera crucial au moment où les Etats vont bénéficier des milliards du plan de relance. Janša évoque des raisons de procédure, mais les procureurs délégués proposés par la ministre de la justice Liliana Kozlovic sont écartés en raison de leur implication passée dans des enquêtes le concernant pour abus de pouvoir et corruption.  Alors qu’un nouvel appel à candidatures est lancé en Slovénie, le Parquet européen a commencé ses travaux le 1er juin 2021.

En novembre 2020, après leur veto au budget européen dénonçant la condition du versement des fonds communautaires au respect de l’Etat de droit, la Slovénie soutient la Hongrie et la Pologne.

Le programme de la présidence slovène s’inscrit dans le cadre du projet élaboré par le « trio », avec l’Allemagne et le Portugal (voir lettre d’info n° 41, avril 2021).

Janša est obsédé par la traque des migrants ; le millier de réfugiés présent en Slovénie représente pour lui une invasion. En janvier 2021, 170 migrants ont été privés de demande de droit d’asile, refoulés en toute illégalité de Slovénie. Il n’est pas sûr que la réforme du Pacte migratoire de l’UE évolue dans le bon sens sous cette présidence, au cours de laquelle se tiendra un sommet UE-Partenariat oriental et où la Biélorussie sera aussi à l’ordre du jour. Le Premier ministre slovène aurait envoyé (ce qu’il réfute) un document officieux à Bruxelles, concernant la redéfinition des frontières des Balkans occidentaux ; il est soupçonné de vouloir une « dissolution pacifique de la Bosnie-Herzégovine ».

Le différend frontalier entre la Slovénie et la Croatie, né de l’indépendance de ces deux Etats, portant sur la baie de Piran, dans la partie sud du golfe de Trieste, n’est pas réglé. Il perturbe les relations entre les deux Etats au sein même de l’UE.

En 2017, la décision du tribunal international (institué en 2009) accorde la majorité de la baie et l’accès direct aux eaux internationales à la Slovénie. Mais cette décision n’est pas reconnue par la Croatie. A partir de janvier 2018, la Slovénie sanctionne les pêcheurs croates opérant dans les eaux du golfe qui lui ont été attribuées. Elle en appelle aux institutions européennes. En octobre 2015, la Commission accepte l’entrée de la Croatie dans l’espace Schengen ; mais la Slovénie s’y oppose en raison du refus du gouvernement croate de reconnaître la modification de frontière entre les deux Etats. En décembre 2019, la Cour de justice de l’UE se déclare incompétente pour juger un litige qui ne relève pas du droit communautaire.

L’avenir politique du Premier ministre Janša n’est pas assuré : sera-t-il encore en fonction au début du mois de juillet ? Son pouvoir s’appuie sur une alliance avec le Parti du Centre moderne et le Parti des retraités. Mais, en raison du départ de certains députés, Janša n’a plus de majorité ; avec 38 députés sur 90, son sort est entre les mains des indépendants de sa coalition. L’opposition, excédée par la dérive autoritaire du pouvoir, a déposé deux motions de défiance devant le Parlement. Chaque vendredi soir, les manifestations se multiplient pour demander de nouvelles élections…

Articles de presse :

Roux 1996 : Slovénie et Croatie ; Europes orientales-Russie-Asie centrale. Géographie universelle, dir. R. Brunet. Hachette-Reclus.


[1] Le Conseil de l’Union ou encore Conseil des Ministres.

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