Dans la lutte contre le racisme, l’Union européenne est trop timide ! Vraiment ?

© Image par Gordon Johnson de Pixabay

L’idée d’une législation européenne contre les discriminations fondées sur l’origine raciale ou ethnique a été avancée au début des années 1990 par des ONG européennes avec deux arguments : d’une part, la liberté de circulation de la main d’œuvre constituant un pilier du marché unique, il convient pour la rendre effective, de garantir aux travailleurs d’origine immigrée de ne pas subir de discrimination ethnique ou raciale ; d’autre part, l’Union par ses textes en faveur d’une égalité de traitement entre les femmes et les hommes a ouvert un chantier antidiscriminatoire qu’il convient d’élargir. Sans grand succès car dans ces années, la Communauté n’a pas la compétence pour agir sur ce sujet.

Toutefois, au milieu de la décennie, dans un climat lourd d’antisémitisme et de xénophobie dans plusieurs pays, les esprits évoluent : lors du Sommet social de Florence, en 1996 est adoptée une Déclaration commune sur la prévention de la discrimination raciale et de la xénophobie et sur la promotion de l’égalité de traitement sur le lieu du travail ; en outre un Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes est créé. Par ailleurs, 1997 est déclarée Année européenne contre le racisme. Mais c’est le traité d’Amsterdam signé en octobre 1997 pour une entrée en vigueur en 1999, qui, en élargissant la liste des discriminations lance la politique européenne de lutte contre les discriminations fondées sur la « race » ou l’origine ethnique.

Cette politique repose sur une législation contraignante : en 2000, a été adoptée la directive sur « l’égalité raciale  »,  transposable par les Etats membres avant juillet 2003.

La directive interdit les discriminations directes et indirectes fondées sur l’origine raciale ou ethnique dans les domaines de l’emploi et du travail, de l’éducation, de la protection sociale, y compris les soins de santé, des avantages sociaux, ainsi que de l’accès aux biens et services et de la fourniture de biens et services à la disposition du public, y compris en matière de logement. La protection inclut les ressortissants de pays tiers, mais ne concerne pas la discrimination fondée sur la nationalité.

La directive exige de tous les Etats membres qu’ils désignent un organisme chargé d’apporter une aide indépendante aux victimes d’une discrimination et de promouvoir l’égalité ;

  • en 2008, adoptée à l’unanimité du Conseil mais après 7 années de discussions, la décision-cadre sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie définit une approche pénale notamment des discours de haine et des crimes de haine motivés par le racisme et la xénophobie. Les discours de haine à l’égard d’une personne ou d’un groupe, définis par référence à la race, la couleur, la religion, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique sont l’incitation publique à la violence ou à la haine par diffusion ou distribution publique d’écrits, d’images ou d’autres supports ; l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Pour les crimes de haine, les Etats doivent considérer la motivation raciste ou xénophobe comme une circonstance aggravante ;  
  • en 2012, complétant la décision-cadre, une directive sur les droits des victimes vise notamment à garantir justice, protection et soutien aux victimes de crimes et de discours haineux.

En plus de la législation, l’UE propose, en 2016, un code de bonne conduite aux plates-formes numériques afin de lutter contre le racisme et la xénophobie en ligne. Malgré quelques progrès, l’étape prochaine consistera sans doute à réguler les services numériques.

Cette politique de lutte contre les discriminations fondées sur le racisme et la xénophobie donne lieu à plusieurs actions.

 La Commission exerce le suivi de la mise en œuvre de la législation européenne par les Etats membres : ainsi, en février 2021, 6 pays, après l’Estonie et la Roumanie, ont été mis en demeure de « transposer pleinement » la décision-cadre de 2008, qui aurait dû l’être au plus tard en… novembre 2010.

Deux agences européennes, en fournissant des données et des analyses, appuient les Etats dans leur action nationale et leur permettent d’échanger sur leurs pratiques. Il s’agit de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne -FRA- (siège à Vienne) qui a succédé, en 2007,  à l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes et de l’Agence de l’Union européenne pour la formation des services répressifs (CEPOL collège européen de police) créée en 2005 avec pour siège Budapest depuis 2014).

Par ailleurs, l’UE finance dans le cadre du programme  « Droits, Égalité et Citoyenneté » des actions aux niveaux local, régional,  national, voire transnational. Enfin, l’UE s’associe à la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, le 21 mars, initiée par l’ONU.

Face à une situation jugée préoccupante, Ursula von der Leyen a annoncé en septembre 2020 un « plan d’action pour inverser la tendance dans la lutte contre le racisme » courant sur 2020-2025. Les axes en sont : une meilleure application du droit de l’UE, une coordination plus étroite assurée par un coordinateur « antiracisme », des activités de police et de protection équitables, un renforcement de l’action des Etats avec élaboration de plan nationaux et la promotion d’une plus grande diversité parmi le personnel de l’UE. Des initiatives visant notamment à sensibiliser aux stéréotypes raciaux et ethniques et à les combattre seront financées par le nouveau programme « Droits et Valeurs » 2021-2027 qui fusionne trois anciens programmes. Enfin, chaque année, sera désignée une capitale européenne de l’inclusion et de la diversité.  

Si la détermination de la Commission de lutter contre les discriminations fondées   sur le racisme est forte comme le démontre l’annonce en octobre 2020 d’un plan décennal de soutien aux populations Roms, la tâche est ardue et le résultat peu assuré.

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