La lutte de l’Union européenne contre les discriminations sexuelles a été bien tardive ! Vraiment ?

© Claudio Centonze, Union européenne, 2021

Pendant longtemps, l’orientation sexuelle n’est pas reconnue comme une cause de discrimination en Europe. La Convention européenne des droits de l’homme de 1950 -1953- (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales), n’en fait pas mention et c’est, seulement en 2000, avec la recommandation sur la situation des lesbiennes et des gays que le Conseil de l’Europe invite les États membres à  « inclure l’orientation sexuelle parmi les motifs de discrimination prohibés dans leur législation nationale » […]. En 2010, l’Assemblée du Conseil adopte au forceps une résolution pour l’éradication de l’homophobie et de la transphobie.

Dans l’Union européenne, la reconnaissance de l’orientation sexuelle comme cause de discrimination s’effectue par étapes dans les années 1990 :

  • en 1994, suite au rapport Roth, du nom d’une députée écologiste allemande, le Parlement européen vote la résolution « Des droits égaux pour les gays et les lesbiennes dans la Communauté européenne»;
  • en 1997, l’orientation sexuelle comme discrimination entre dans le droit primaire avec le traité d’Amsterdam qui stipule que « le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la  » race  » ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ».
  • en 2000, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne  précise : art 21 « Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ».
  • enfin en 2007, le traité de Lisbonne reprend l’article du traité d’Amsterdam avec deux apports : d’une part, la Charte en annexe acquiert une force juridique contraignante donc elle devient invocable contre les institutions de l’Union ou les Etats  et, d’autre part, une clause transversale permet d’intégrer la lutte contre les discriminations dans toutes les politiques et actions de l’UE.

La reconnaissance de l’orientation sexuelle comme cause de discrimination s’est accompagnée de plusieurs directives de protection des droits des minorités sexuelles.

  • en 2000, la directive sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail oblige tous les pays de l’UE à fournir une protection juridique contre la discrimination et le harcèlement fondés sur l’orientation sexuelle en ce qui concerne les demandes d’emploi, les promotions et les formations, les conditions de travail, ainsi que les rémunérations et les licenciements.
  • en 2006, une directive sur le genre en interdisant les discriminations sexuelles dans les domaines de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale protège les personnes transgenres contre les discriminations qui trouvent leur origine dans la réassignation sexuelle.

Pourtant il faut attendre 2015, pour que l’Union développe une véritable politique dédiée aux personnes LGBTI. A cette date, la Liste des actions pour l’égalité LGBTI constitue une feuille de route de la Commission. Ces actions peuvent être regroupées en 4 ensembles :

  • les mesures juridiques et législatives non genrées : en 2016, un règlement favorise la liberté de circulation des citoyens de l’UE ;
  • des mesures de soutien et de sensibilisation à la recherche et à l’information sur les discriminations avec appui sur l’Agence des droits fondamentaux de l’UE ;
  • des mesures de soutien à divers acteurs : les Etats membres pour les échanges de bonnes pratiques et le financement de projets au service d’une bonne application  des législations visant spécifiquement les LGBT+ ; les réseaux européens ILGA-Europe, Transgender Europe et IGLYO (International Gay and Lesbian Youth Organization) pour des subventions  via le programme «  Droits fondamentaux, égalité et citoyenneté » ;
  • des mesures de promotion de l’égalité des personnes LGBTI à l’extérieur de l’Union via la politique de voisinage et les relations avec les pays tiers en coopération avec le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU.

Mais cette politique de l’Union est contestée. Dans plusieurs Etats membres d’Europe centrale (Pologne, Hongrie, Roumanie), les autorités, en infraction avec les valeurs de l’Union européenne, développent contre une partie de l’opinion une campagne de haine anti-LGBTI. Ainsi, depuis 2019, 80 villes polonaises se sont déclarées « libres de l’idéologie LGBTI ».

En réponse, l’Union a présenté le 12 novembre 2020 sa première stratégie en faveur de l’égalité des personnes LGBTI ; cette stratégie se décline en quatre points :

  • lutter contre les discriminations, en particulier sur le lieu de travail ;
  • garantir la sécurité des personnes LGBTI. Le 9 décembre 2021, la Commission européenne a présenté une initiative pour étendre la liste des « infractions pénales de l’UE » et y inclure les crimes de haine et les discours haineux, y compris lorsqu’ils visent les personnes LGBTI ;
  • protéger les droits des familles  » arc-en-ciel ». La Commission va présenter une initiative législative sur la reconnaissance mutuelle de la parentalité et étudier l’adoption de mesures pour soutenir la reconnaissance mutuelle de partenaires de même sexe entre les États membres ;
  • soutenir l’égalité des droits des personnes LGBT+ à travers le monde. La défense des droits des LGBTI sera soutenue par l’UE dans ses actions à l’international.

La résolution spectaculaire du Parlement européen de mars 2021 et, surtout, la procédure d’infraction engagée par la Commission européenne contre la Pologne en juillet 2021 ont porté leurs fruits : fin septembre 2021, 4 régions polonaises ont renoncé du bout des lèvres à être des « zones sans idéologie LGBTI ». Mais dans le pays, les relations homosexuelles ne sont pas légalement reconnues et il est interdit aux couples homosexuels d’adopter des enfants.

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