Les élections législatives allemandes du 26 septembre 2021 et l’Union européenne

© Felix Mittermeier de Pixabay

L’Allemagne a voté, dimanche 26 septembre, pour renouveler le Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand. La participation électorale à 76,6 % est restée comparable à celle du scrutin précédent de 2017, et près de 40 % des électeurs ont choisi le vote par correspondance. Ces élections législatives sont la première étape pour désigner le successeur d’Angela Merkel, qui après quatre mandats à la tête de la chancellerie depuis 2005, a décidé de ne pas se représenter. Un changement de coalition se profile au regard des résultats, et cela aura des conséquences sur l’avenir de l’Union européenne.

Courte victoire du Parti social-démocrate (SPD)

Le mode de scrutin à la proportionnelle et la dispersion des voix sur au moins sept grands partis font que le nom du probable prochain chancelier ne sera pas connu avant plusieurs semaines, le temps de négocier un contrat de gouvernement dans le cadre d’une coalition d’au moins trois partis. Selon la constitution allemande de 1949, le chancelier n’est pas obligatoirement issu du parti arrivé en tête aux élections. Cependant le vainqueur des élections, le ministre des finances sortant Olaf Scholz, espère y parvenir « avant Noël » car les sociaux-démocrates du SPD avec 25,7 % des suffrages exprimés ont légèrement devancé les conservateurs de la CDU-CSU d’Armin Laschet qui n’ont obtenu que 24,1 % des voix. Pour la première fois dans l’histoire de l’Allemagne fédérale, les deux principaux partis politiques obtiennent ensemble moins de 50 % des voix ; en conséquence les écologistes (Die Grünen), avec 14,8 % des voix, et les libéraux du FDP avec 11,5 % seront les clés de la composition du prochain gouvernement allemand. Ces deux partis incarnent le changement car ils ont recueilli massivement le vote des jeunes. À l’extrême-droite, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) est en recul avec 10,3 % des suffrages, mais obtient des scores de 24 % en Saxe et en Thuringe. À L’extrême-gauche, le Parti de Gauche (Die Linke) est tombé à 4,9 % et ne sauve sa présence au Bundestag que par les trois mandats directs qu’il a obtenus (1).

Une campagne au centre et une grande volatilité de l’électorat

La campagne électorale s’est polarisée autour des enjeux économiques et sociaux de la transition écologique rendue nécessaire par la crise climatique. Un consensus s’est dégagé pour investir davantage dans les infrastructures et la numérisation, la principale controverse ayant porté sur la date de sortie du charbon fixée à 2038 par la CDU et que les Verts voudraient avancer à 2030. Contrairement à la campagne de 2017, et au début actuel de la campagne présidentielle en France, les thèmes de l’immigration et de l’islam n’ont pas été abordés, preuve que l’intégration fonctionne mieux outre-Rhin. Les grandes orientations de la première puissance économique européenne seront dans la continuité de la politique « centriste » d’Angela Merkel, mais l’incertitude demeure sur la composition du gouvernement. Au printemps 2021, quand Annalena Baerbock a été désignée comme chef de file des Verts, pendant quelques semaines les sondages ont placé le parti écologiste en tête avec 25 % d’intentions de vote, mais la candidate a commis plusieurs erreurs (embellissement de son CV, passages plagiés dans son livre-programme, non déclaration de certains revenus) sanctionnées par une baisse des intentions de vote. De leur côté les conservateurs de la CDU et de la branche bavaroise CSU ont eu du mal à désigner leur candidat. Ils ont choisi Armin Laschet, dont les orientations étaient en continuité avec la politique d’Angela Merkel, mais qui était moins populaire que le dirigeant bavarois Markus Söder. Des hésitations dans sa gestion locale de la crise du Covid et un fou rire au milieu d’un hommage aux victimes des inondations meurtrières de juillet, ont provoqué une dégringolade dans les sondages, de plus de 28 à moins de 20 %, début septembre. Dans le même temps la bonne campagne d’Olaf Scholz, candidat jugé sérieux et expérimenté, a permis au SPD de décoller dans les sondages en passant de 15 % à plus de 25 % d’intentions de vote à la veille du scrutin (2).

Vers une coalition « feu tricolore »

Le SPD étant arrivé en tête aux élections avec Olaf Scholz, candidat préféré des enquêtes d’opinion, il va chercher à former une coalition avec le FDP et les Verts appelée Ampel-Koalition (« feu tricolore » : le rouge, le jaune et le vert étant les couleurs des trois partis). Bien qu’arrivé en seconde position et ayant subi une lourde défaite, Armin Laschet n’a pas renoncé à tenter de former une coalition entre la CDU-CSU, le FDP et les Verts. Cette coalition dite « jamaïcaine » à l’image des trois couleurs du drapeau de ce pays (noir, jaune, vert) a cependant peu de chances de voir le jour. Au lendemain des élections, des négociations ont été engagées entre les différents partis, celles concernant la coalition « feu tricolore » se déroulent dans une bonne ambiance. Il s’agit d’éviter le scénario de 2017 où après plusieurs mois de négociations, le FDP avait préféré « ne pas gouverner plutôt que mal gouverner », conduisant à une reconduction de la grande coalition (CDU-CSU-SPD). Un contrat de gouvernement ne sera pas facile à élaborer, tant les positions du FDP et des Verts sont éloignées sur des sujets comme la fiscalité et la régulation économique, mais l’art du compromis est une caractéristique du modèle allemand. Un accord préliminaire en vue de former un gouvernement a été trouvé entre les trois partis le 15 octobre avec comme points principaux l’absence de hausse d’impôts, le respect des règles d’endettement, la sortie du charbon avancée à 2030 et la hausse du salaire minimum à 12 euros.

L’avenir de l’Union européenne a été peu débattu

Au cours des trois débats télévisés organisés entres les trois principaux candidats, les sujets concernant la politique étrangère et la construction européenne n’ont pas été développés (3). Il faudra attendre le contrat de coalition pour en savoir plus concernant les orientations de la politique allemande à l’égard des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie, et sur un sujet important comme celui de la défense européenne. Tous les principaux candidats se sont montrés europhiles, mais Armin Laschet s’est opposé à la poursuite d’un endettement commun européen au-delà de la situation exceptionnelle liée à la crise sanitaire. A la veille du scrutin, les deux principaux candidats se sont rendus à l’Elysée pour rencontrer Emmanuel Macron, marquant ainsi l’importance du couple franco-allemand. La France qui prendra pour six mois la présidence du Conseil de l’Union européenne à compter du 1er janvier 2022 espère pouvoir compter sur le nouveau gouvernement allemand pour faire avancer les dossiers européens.


(1) Le Parti social-démocrate (SPD) arrive en tête des élections, mais la prochaine coalition gouvernementale pourrait être difficile à former, Corinne Deloy, Fondation Robert Schuman, 27 septembre 2021. https://www.robert-schuman.eu/fr/oee/1931-le-parti-social-democrate-spd-arrive-en-tete-des-elections-mais-la-prochaine-coalition-gouvernementale-pourrait-etre-difficile-a-former

(2) Entwicklung der Umfragwerte vor der Bundestagswahl https://www.bundestagswahl-2021.de/ergebnis/#umfragen

(3) L’Allemagne n’est pas une île, Ernst Stetter, Fondation Jean Jaurès, 24 septembre 2021. https://www.jean-jaures.org/publication/lallemagne-nest-pas-une-ile/

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