L’Union européenne ne fait rien pour lutter contre la fraude ! Vraiment ?

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Un rapport spécial de la Cour des comptes européenne de 2019 définit ainsi la fraude : la fraude désigne tout acte ou toute omission volontaire visant à tromper en occasionnant un préjudice à la victime et en procurant un gain à l’auteur. S’agissant de l’Union, la fraude consiste en l’utilisation abusive des fonds issus du budget de l’UE ou le non-paiement des impôts, droits et taxes qui financent ce budget.  

L’Union se doit d’exercer un strict contrôle budgétaire, d’une part, en veillant à la bonne exécution de son budget et, d’autre part, en protégeant ses intérêts financiers et en luttant contre la fraude.

La base juridique de la lutte contre la fraude et tout autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE se trouve dans le TFUE (traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), Titre II Dispositions financières, chapitre 6  Lutte contre la fraude composé d’un seul article (325).

Dans cet article, l’alinéa 1 stipule :  

 « L’Union et les États membres combattent la fraude et tout autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures prises conformément au présent article qui sont dissuasives et offrent une protection effective dans les États membres, ainsi que dans les institutions, organes et organismes de l’Union ».  

  L’alinéa 2 ajoute :

 « Les États membres prennent les mêmes mesures pour combattre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union que celles qu’ils prennent pour combattre la fraude portant atteinte à leurs propres intérêts financiers. »

Ce second alinéa rappelle, en filigrane, que les Etats sont responsables de la gestion de près de 80 % du budget européen.

Le sujet de la fraude dans l’Union européenne est mal documenté. Selon le rapport de la Cour des Comptes européenne déjà évoqué,  la fraude détectée au niveau des dépenses financées par l’UE s’élevait en 2017 à 390,7 millions d’euros, soit 0,29 % de l’ensemble des paiements effectués sur le budget de l’UE. Le phénomène paraît marginal mais cela tient surtout à la faible capacité des Etats à détecter des irrégularités frauduleuses.

Il est une fraude qui s’est beaucoup développée avec la création du marché unique : la fraude à la TVA transfrontalière qui consiste, pour une société recevant un produit d’un autre pays européen, à s’exonérer du versement de la TVA dans son pays comme le prévoit le principe du pays de destination qui fonde la livraison intracommunautaire. S’y ajoutent d’autres formes de fraudes comme la fraude à la taxe carbone ou aux voitures d’occasion. À l’échelle européenne, l’écart entre la TVA à percevoir et la TVA effectivement perçue se situe entre 150 et 200 milliards d’euros annuels.

Pour lutter contre la fraude, l’Union se dote en 1988 d’un premier instrument : l’Unité de la coordination de la lutte antifraude (UCLAF). Intégrée au secrétariat général de la Commission européenne, l’UCLAF collabore avec les services nationaux de lutte contre la fraude et assure la coordination et l’assistance nécessaires pour lutter contre la fraude organisée à l’échelon transnational. Dans les années suivantes, les compétences de l’UCLAF sont élargies et en, 1995, elle est habilitée à ouvrir des enquêtes de sa propre initiative.

En 1999,  suite aux évènements ayant entraîné la démission de la Commission Santer, un nouvel organe de lutte antifraude doté de pouvoirs d’enquête étendus est créé : l’Office européen de lutte antifraude (OLAF).

L’Office, bien que faisant partie de la Commission en tant que Direction générale (DG), est indépendant sur le plan opérationnel. Il enquête sur les cas de fraude au détriment du budget de l’UE que ce soit sur les dépenses (les Fonds structurels, les fonds concernant la politique agricole et le développement rural, les dépenses directes et l’aide extérieure) ou les recettes (principalement les droits de douane). Il enquête aussi sur les soupçons de fautes graves commises par le personnel de l’UE et les membres des institutions européennes. Enfin, il est chargé d’élaborer la politique de lutte contre la fraude.

L’OLAF gère les programmes antifraude Hercule : trois programmes successifs de 2004 à 2020 ! Pour la période 2021-2027, la Commission von der Leyen a élaboré un nouveau programme de lutte antifraude. Doté de 181 millions €, il financera des formations ciblées et les échanges d’informations et de bonnes pratiques entre les autorités antifraude nationales. Il apportera également un soutien aux activités d’enquête grâce à l’acquisition d’équipements techniques utilisés dans la détection et l’investigation des fraudes, tout en facilitant l’accès à des systèmes d’information sécurisés : le système d’information antifraude (AFIS) et le système de gestion des irrégularités (IMS).

Le bilan de l’OLAF est loin d’être négligeable : de 2010 à 2019, l’Office a mené à bien plus de 2 200 enquêtes, a recommandé le recouvrement de plus de 7,5 milliards d’euros pour le budget de l’UE et a présenté plus de 3 000 recommandations de mesures judiciaires, financières, disciplinaires et administratives à prendre par les autorités compétentes des États membres et de l’UE. Pourtant, l’action de l’Office connaît des limites car, s’il mène des enquêtes administratives, seules les autorités nationales pouvaient jusqu’à il y a peu de temps, mener des enquêtes pénales et engager des poursuites contre la fraude portant atteinte au budget de l’UE. Mais les compétences de ces autorités aux moyens souvent réduits et peu efficaces s’arrêtent aux frontières nationales.

Aussi, dans un contexte de fort accroissement de la fraude transnationale, l’Union a mis en place un nouvel instrument de lutte dont elle attend beaucoup : le Parquet européen.

 

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