Milan Kundera, « le plus européen des écrivains »

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Le 11 juillet dernier s’est éteint à Paris, à l’âge de 94 ans, Milan Kundera, une des figures majeures de l’Europe intellectuelle et littéraire du XXème siècle. Ce citoyen tchécoslovaque, né en Moravie en 1929, vivait en France depuis 1975 et avait acquis la nationalité française en 1981, peu de temps après l’élection à la présidence de la République de François Mitterrand et deux ans après que sa nationalité tchécoslovaque lui avait été retirée par le pouvoir prosoviétique ….

Un exil qui, à lui seul, témoigne de l’histoire mouvementée de l’Europe centrale dans la seconde moitié du siècle dernier, histoire dans laquelle Milan Kundera a pris toute sa place d’intellectuel engagé. D’abord communiste convaincu et partisan du régime installé par le coup de Prague de 1948, ses prises de positions le feront ensuite exclure deux fois du parti, comme cela a été le cas en 1970, suite à l’écrasement du Printemps de Prague de 1968 et au discours très critique qu’il avait prononcé au 4e Congrès de l’Union des écrivains tchécoslovaques en juin 1967. « Moi aussi j’ai dansé dans la ronde, […]. Puis un jour, j’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas, j’ai été exclu du parti et j’ai dû sortir de la ronde » écrira-t-il dans Le Livre du rire et de l’oubli en 1979. Il sera même, en 2008, accusé d’avoir dénoncé un de ses concitoyens déserteur, accusation dont il se défendra vigoureusement et il sera soutenu dans cette affaire par une grande partie de l’Intelligentsia européenne et internationale.

Mais c’est aussi et surtout pour la place de premier plan qu’a tenue dans la culture européenne ce romancier, mais aussi enseignant, dramaturge et essayiste qui, dans un article de 1983, affirmait l’occidentalité de la culture tchèque par une formule devenue célèbre, celle de « L’Occident kidnappé », que des hommages unanimes lui ont été rendus lors de sa récente disparition. Milan Kundera figure parmi les rares auteurs à avoir jusqu’ici été publiés de leur vivant dans la prestigieuse Bibliothèque de La Pléiade.

De l’œuvre abondante de Milan Kundera, le grand public connaît surtout un roman au titre étrange, L’Insoutenable Légèreté de l’être, dont l’action se déroule au moment du Printemps de Prague, mais dont l’esprit n’est pas directement politique mais plutôt philosophique, entre légèreté et pesanteur, entre libertinage et fidélité amoureuse. Un film américain en a été tiré en 1988 avec notamment Daniel Day-Lewis et Juliette Binoche.

D’autres romans importants avaient été écrits en Tchécoslovaquie dans les années d’avant son exil : La Plaisanterie en 1967 et Risibles amours l’année suivante, deux ouvrages au contenu manifestement hostile au régime totalitaire. Son premier roman paru en France a été La Valse aux Adieux en 1976, suivi en 1984 de la publication de L’insoutenable Légèreté de l’être. En 1995, La Lenteur est le premier roman qu’il ait écrit en français.

Le décès de Milan Kundera, le 11 juillet de cette année, a suscité une forte émotion dans les milieux intellectuels et politiques européens et de nombreux hommages lui ont été rendus parmi lesquels celui du Président français : « Milan Kundera nous a quittés. Esprit libre, il trouva refuge en France et embrassa dans ses écrits des horizons universels. Son ironie et son génie ont fait de ses œuvres des classiques de notre temps ». Hommage aussi de Mme Hidalgo, maire de Paris, qui le salue comme « le plus européen des écrivains ».

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