Paris 2024 : des jeux olympiques et paralympiques à forte valeur européenne

© David de Pixabay

Tous les sites olympiques et paralympiques de Paris 2024 feront l’objet d’un pavoisement aux couleurs de l’Europe, qu’il s’agisse des sites de compétition ou de tous les autres sites d’accueil [1]. Cette décision de 2023 est sans doute passée inaperçue auprès du grand public. Elle est pourtant inédite en ce qu’elle marque la volonté d’affirmer aux yeux du monde que ces jeux s’inscrivent pleinement dans les objectifs que l’Union européenne s’est définie en matière de sport et  les valeurs qu’elle entend défendre.

Dès 2017, à moins de 100 jours du vote du Comité international olympique chargé de désigner la ville hôte des Jeux, le Comité Paris 2024 avait déjà fait le choix et c’était une première, de présenter sa candidature, son projet et sa vision des jeux devant le Parlement européen.

Pour la ministre des Sports de l’époque [2] aussi, les Jeux de Paris se devaient d’être éminemment européens. Cette ambition avait fait  très officiellement l’objet d’une réunion des ministres des Sports européens en mai 2018 à Saint-Denis qui avait abouti à une déclaration d’intention portant sur une vision européenne du sport à l’horizon des Jeux  2024. Plusieurs axes de travail y avaient été définis, autour notamment de la promotion de la citoyenneté européenne par le sport, de la pratique handisport ou de l’excellence environnementale dans la construction des infrastructures et l’organisation des compétitions, pour faire de cette édition 2024 « les jeux de l’Europe ».

En matière de sport, on le sait, l’Union européenne ne dispose que d’une compétence d’appui et n’intervient qu’en complément de l’action de ses Etats membres [3].

Mais les institutions européennes s’impliquent de plus en plus dans la promotion de la dimension sociétale du sport et de son rôle de trait d’union entre les peuples.

Depuis une dizaine d’années déjà [4], les compétitions internationales sont considérées par la Commission européenne, au même titre que les Etats, comme un outil efficace de « soft power ». Une occasion, au travers de cette « diplomatie  sportive », d’atteindre le public de manière plus large, plus  positive et efficace, de mieux mettre en avant  ses valeurs, de valoriser son image et son influence sur la scène internationale.

De fait, les priorités portées par Paris 2024 et l’héritage que ses organisateurs entendent construire pour renforcer la place du sport dans la société, se conjuguent sans conteste avec les objectifs de l’Union européenne en matière de sport, contribuant ainsi  à l’idée d’une dimension européenne du sport, voire d’une identité européenne par le sport.

Plusieurs enjeux seront à ce titre au cœur de ces Jeux :

 – l’égalité en termes de genre avec l’objectif d’une stricte parité entre les femmes et les hommes et la création de huit nouvelles épreuves mixtes ;

l’excellence environnementale avec entre autres la réduction de moitié des émissions de CO2 par rapport aux éditions de 2012 et 2016 et une politique d’innovation en matière d’économie circulaire ;

– la mise en lumière des jeux paralympiques avec en particulier le choix du site le plus emblématique de Paris pour la cérémonie d’ouverture ou la diffusion en clair de 300 heures de compétition par le service public, soit deux fois plus qu’aux Jeux de Tokyo ;

–  la durabilité avec 170 mesures portant sur le réemploi des équipements, le développement de nouvelles infrastructures sportives, l’amélioration des transports et de l’accessibilité́, les enjeux sociétaux (handicap, discriminations, sport santé, emploi etc.) ainsi que l’économie de la filière du sport.

Ils rejoignent les objectifs stratégiques de l’Union européenne tels qu’ils ont été adoptés depuis 2011 dans ses différents plans de travail en faveur du sport.

Au-delà du principe de protection de l’intégrité et des valeurs dans le sport, le plan de travail 2021-2024 met notamment en avant :

– l’égalité entre les femmes et les hommes,

– le développement d’un « sport vert » entre durabilité, respect de l’environnement et adaptation aux changements climatiques,

– la promotion de la tolérance, de la solidarité et de l’inclusion,

– le renforcement des activités physiques et sportives comme vecteur de santé tout au long de la vie.

On y retrouve également deux sujets clés fortement liés aux Jeux : un sur la diplomatie sportive et un autre sur l’Europe en tant que lieu d’accueil de grands évènements sportifs, au travers notamment du  suivi de la déclaration d’intention des ministres des sports de mai 2018.

L’Union européenne possède un atout : la cohérence qui existe entre les valeurs qu’elle promeut sur le plan international et celles du sport, assoit largement sa crédibilité en matière de « diplomatie sportive ». [5]

Les Jeux olympiques et paralympiques, évènement fédérateur s’il en est, représentent à l’évidence un moment privilégié susceptible d’amplifier le message européen, en mettant le sport au service de préoccupations essentielles pour l’Europe : intégration sociale,  respect dans  la diversité, égalité des genres, éthique ou développement durable.

Européaniser les Jeux de Paris, autour d’enjeux  qui unissent, c’est aussi peut-être, comme certains ont pu le suggérer, jeter les bases de futures candidatures transnationales européennes. [6]

Et doit-on le répéter ? Si les Etats européens participaient sous la même bannière aux jeux, ils seraient largement en mesure de dominer le classement des médailles et de devancer  les USA et la Chine. [7]


[1] Les cérémonies d’attribution des médailles ne sont par contre pas incluses.

[2] Laura Flessel, ministre des Sports du 17 mai 2017 au 4 septembre 2018.

[3] Après la reconnaissance de l’importance sociétale du sport et en particulier de son rôle de ferment de l’identité et de trait d’union entre les hommes en 1997 par le traité d’Amsterdam, la  base juridique de  la compétence d’appui de l’Union européenne en matière de sport a été établie en 2007 par le traité de Lisbonne.

[4] Mise en place en 2015 par la Commission européenne d’un groupe de haut niveau sur la diplomatie sportive chargé de formuler des recommandations autour de 4 axes , dont la promotion des valeurs de l’UE dans l’organisation des grands évènements sportifs.

[5] cf l’article de Colin MIEGE « Quelle diplomatie dans le cadre de la politique des sports de l’UE » dans Sport et Citoyenneté.

[6] A l’instar de la candidature conjointe de L’Espagne et du Portugal pour la Coupe du monde de football 2030.

[7] Aux JO de Tokyo (2020), les pays de l’UE ont totalisé 287 médailles dont 87 en or, contre 113 dont 39 en or pour les Etats-Unis et 88 dont 38 en or pour la Chine.

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