ESA/ATG medialab
ESA/ATG medialab

Émilien, 29 ans, a décroché un CDD de deux ans au sein de l’Agence spatiale européenne à Noordwijk (Pays-Bas).

Lorsque l’on termine son doctorat en France, on a rarement une carrière toute tracée et on galère pour trouver du travail. C’est donc le meilleur moment, pour quelqu’un qui n’a pas d’attaches, d’explorer son côté aventurier en partant travailler à l’étranger (c’est plus facile de trouver du travail à l’étranger plutôt qu’en France, au moins dans le domaine des télécommunications). Ce n’était pas tant les Pays-Bas en soi qui m’attiraient, c’est plutôt de travailler dans le centre de tests et de recherche de l’Agence Spatiale Européenne implanté aux Pays-Bas il y a quelques dizaines d’années. Peu importe le pays finalement puisque l’idée de travailler à l’Agence était largement assez excitante.

Je ne suis pas un spécialiste du recrutement, ni même un candidat avec un C.V. de premier de la classe, mais la bonne recette qui a marché pour décrocher ce poste, c’était un peu de culot, être au bon endroit au bon moment (un peu de chance) et un bon réseau. Avant de faire le grand saut, il vaut mieux ne pas avoir trop d’attentes et attendre d’être sur place pour découvrir et apprécier ce nouveau monde. Ça fait toujours un peu peur dit comme cela, mais il n’y a rien de plus enrichissant que de sortir de sa « zone de confort ».

Le fait de travailler dans une institution européenne offre beaucoup d’avantages, notamment des procédures administratives quelques peu allégées par rapport à ce que j’ai pu connaître auparavant. En ce qui concerne la vie aux Pays-Bas, la grande plaie ici (j’y suis toujours à l’heure où j’écris) c’est le logement. Pour donner un ordre de grandeur, dans une ville avec un nombre d’habitants un peu inférieur à Limoges, les prix pratiqués sont les mêmes qu’à Paris ! Du côté des points positifs, tous les Néerlandais parlent anglais, ce qui facilite énormément de choses et au final, il n’y a pas la nécessité d’apprendre le néerlandais. Ça tombait bien puisque ce n’est pas une langue qui m’attire.

La vie d’expatrié exige en général de faire des concessions. Lorsque l’on décide de partir vivre dans un pays étranger, on ne peut tout simplement pas apporter toute sa vie et ses coutumes avec soi. Pour les fines bouches amoureuses du Monbazillac, du foie gras et d’une bonne partie de pétanque, il vaut mieux y réfléchir à deux fois ! Il ne s’agit pas de perdre son identité, sa nationalité, il s’agit de s’adapter au nouveau milieu dans lequel on a choisi de vivre. Et ce n’est pas si difficile, on découvre de nouvelles choses à faire, de nouveaux us et coutumes, je m’y adapte très bien de manière générale et pourtant je ne suis on ne peut plus français ! La nationalité, c’est une chose qui prend son sens quand on s’expatrie. On en comprend mieux la définition, on est confronté aux autres nationalités et une sorte de nouveau monde s’est ouvert à moi, avec de nouvelles perspectives, gouffre inépuisable pour assouvir ma curiosité. De plus, en discutant avec des confrères européens, qui nous font voir les choses sous un nouvel angle, on développe énormément son esprit critique.

Il y a quand même un revers à la médaille, de l’extérieur, on se rend compte que le monde entier est tourné vers la France, épiant les moindres mouvements/faux-pas de nos hauts-placés, et on est rarement glorifié… Il ne se passe pas un jour sans que j’entende parler de la France aux infos des Pays-Bas, et pas souvent en bien. Parfois, il y a de quoi avoir honte. Parmi les choses difficiles à affronter au jour le jour, c’en est une et l’autre ce sont les stéréotypes, il suffit juste d’y être préparé. Petit aparté, pendant mon entretien, j’ai mis l’accent sur le fait que je me sentais comme un Européen avant d’être un Français, ça ne mange pas de pain, et ça a toujours son petit effet dans le jury d’un entretien d’embauche d’une institution européenne…

La mobilité appelle la mobilité, et c’est ce qui est excitant, je n’ai jamais autant voyagé que depuis que je vis aux Pays-Bas. Le monde est tellement grand, je n’ai pas assez d’une vie pour visiter tout ce dont j’ai envie. Ce n’est pas tout le monde qui veut/peut faire ça, il y a un élément déclencheur je crois, et pour quelqu’un qui lira ce que j’écris, disons que ça peut être un déclic. Il faut être un peu « fou » dans sa tête au préalable, une certaine prédisposition diront certains, du moins c’est ce que je pense que mes amis pensent de moi. Et une communauté d’expatriés c’est en quelque sorte une réunion de fous puisque les gens avec des objectifs similaires se rassemblent toujours à un moment ou à un autre. Le point commun entre les expatriés est, à mon avis, l’aptitude à faire d’un désir un objectif, puis de réaliser cet objectif. Je n’ai jamais rencontré de personnes avec de tels objectifs personnels dans la vie. Je veux dire, comment explique-t-on la volonté de faire le tour de l’Islande à vélo en dix jours ? Eh bien, il y a des gens qui avaient cet objectif-là. Après cette aventure, j’ai remarqué que l’un d’entre eux ne râlait plus parce qu’il avait une souris filaire et non sans-fil sur son ordinateur de travail. L’Islande a dû aider pour ça…

Si l’on accepte de sortir de sa zone de confort, on apprend à vaincre sa timidité, à se présenter aux gens, à faire connaissance rapidement et à parler de choses intéressantes. L’émulation est extraordinaire, on s’inspire les uns les autres et ce qui paraissait impossible devient soudainement un challenge, un défi, qui sera réalisé tôt ou tard. J’ai toujours rêvé d’avoir la vie posée de mes parents, un travail stable, une maison confortable à la campagne, un garage pour la voiture et un atelier pour bricoler de l’électronique et puis j’ai pris goût à cette vie faite d’aventures, de rebondissements, de rencontres improvisées/improbables et aujourd’hui, du haut de mes 29 ans, je ressens le temps qui passe trop vite et tant que ma vitalité et mon esprit ne fanent pas, je veux profiter de la moindre occasion pour découvrir, m’émerveiller et m’épanouir devant les choses simples de la vie comme un champ de tulipe au coucher du soleil ou un épis de maïs cuit au barbecue…