Marie HeleneMarie-Hélène Restoin, chargée d’antenne à RCF Limousin, nous parle de son expérience d’assistante de langue à Yate (Royaume-Uni) dans les années 1980.

Interview réalisée le 27 juillet 2015.

Votre expérience à l’étranger a-t-elle eu lieu dans le cadre de vos études ou était-ce un projet personnel ?
Je faisais des études d’histoire et d’histoire de l’art mais c’était plus un projet personnel. Après ma licence, pendant la rédaction de mon mémoire, j’ai eu très envie de partir en Angleterre et surtout d’apprendre l’anglais. Pour moi, parler anglais était absolument nécessaire pour voyager, comprendre, aller au cinéma sans lire les sous-titres etc. J’ai eu la chance de faire quelques voyages au Royaume-Uni avant mes études et j’appréciais particulièrement ce pays. J’avais envie d’y retourner donc toutes ces raisons me poussaient à aller acquérir une expérience à l’étranger. Erasmus n’existait pas en 1983.

Effectivement, il n’y avait pas encore les programmes que l’on connaît aujourd’hui même si le Royaume-Uni a adhéré à l’UE en 1973… Quelles étaient alors les solutions ?
J’aurais pu être jeune fille au pair mais ça ne m’attirait pas forcément. J’ai cherché une autre solution et j’ai pensé au poste d’assistante de langue, notamment parce que j’en avais déjà entendu parler et parce que j’avais déjà pu bénéficier de ces services. Je me suis donc adressée à l’université de lettres et de sciences humaines et j’ai pu me renseigner facilement. On m’a dit qu’il fallait passer une équivalence de certaines unités de valeur, ce que j’ai fait. Tout s’est fait un peu dans l’urgence car je venais de passer mes examens au mois de juin. J’espérais pouvoir partir en septembre. Par chance, un poste s’est libéré à Bristol, ville où j’avais candidaté. Une de mes amies venait d’y vivre et avait beaucoup aimé cette ville. J’ai donc eu la chance d’y partir mais avec un mois de retard, en octobre, pour y rester toute l’année. À l’époque, nous faisions l’année scolaire, maintenant c’est différent. J’étais assistante dans deux lycées à Yate, dans la banlieue de Bristol. Pour moi c’était très intéressant car ces deux lycées avaient une pédagogie et un public différents. Comme tous les assistants, j’accompagnais les enseignants et j’enseignais le français à des groupes d’élèves.

Comment vous êtes-vous organisée pour partir ?
La préparation du voyage a été très rapide. Je touchais une allowance (indemnité) tous les mois, suffisante pour vivre sans faire de folies à Bristol et qui devait correspondre à un petit SMIC. Je pouvais me loger facilement. Le voyage n’était pas payé mais je pense que c’est toujours le cas pour les assistants ou les étudiants ERAMUS. À l’époque, on devait prendre le bateau, le train et le bus, c’était une grande expédition. Aujourd’hui je mets une heure de Limoges pour aller à Bristol. À l’époque on mettait une journée !

Sur place, avez-vous parlé anglais, avez-vous rencontré beaucoup de personnes en dehors du lycée ?
Je suis restée à Yate la première semaine avant de me rendre compte que ce n’était pas très vivant et que j’avais peu de chances de rencontrer du monde puisque c’était une ville dortoir. Je me suis vite renseignée auprès des enseignants et j’ai cherché un logement à Bristol. Dans les années 80, il y avait déjà énormément de colocations (avec des enseignants, des jeunes actifs ou des étudiants). J’ai trouvé en deux jours une colocation, par le bouche-à-oreille, avec des jeunes qui arrivaient en ville : un banquier, un enseignant et une jeune femme qui s’installait tout juste. Nous étions quatre en colocation.

Avez-vous rencontré d’éventuelles difficultés dans votre quotidien ?
Tout s’est fait assez facilement. Je me suis inscrite (gratuitement à l’époque) à l’université de Bristol pour suivre quelques cours : avec ma formation d’histoire et d’histoire de l’art, j’ai choisi l’archéologie industrielle. C’était déjà très courant au Royaume-Uni mais pas en France. Ça m’a permis de trouver du travail après. Ce domaine était alors absolument inconnu en France. Les premières personnes qui ont travaillé dans le domaine de l’archéologie industrielle étaient des Britanniques embauchés par le Ministère de la culture en France. Nous étions au début des années Lang.

Avez-vous pu faire du tourisme ?
Aujourd’hui, tous les gens qui partent rencontrent forcément d’autres jeunes. Dans mon cas, nous nous réunissions de temps en temps avec les autres assistants et nous partions en week-end pour découvrir les alentours de Bristol, le Pays de Galles, la Cornouailles, Londres… En plus, le bus ne coutait rien à l’époque !

Quel bilan tirez-vous de ce séjour ?
Ce séjour m’a plu à 200 %. On fait forcément des progrès dans la langue car on la parle quotidiennement, surtout lorsque l’on est en colocation. Je parlais français uniquement avec les autres assistantes de français. Le séjour a été positif parce qu’on découvre, notamment avec la colocation, leur façon de vivre. C’était une immersion totale. D’autre part, le covoiturage m’a permis de découvrir des profs très accueillants, lesquels m’ont permis de visiter les alentours et m’ont parlé de leurs expériences à l’étranger. Et sur le plan personnel, j’ai gardé des amitiés plus que fortes puisqu’une de mes meilleures amies est une des enseignantes du lycée dans lequel j’étais. Je vais à Bristol presque tous les ans depuis trente ans. Ces contacts permettent aussi de voir l’évolution du pays à travers les gens que l’on fréquente. Quand j’y étais, c’était la grève des mineurs, une période très difficile. On a vu les engagements politiques des personnes, comment ils ont évolué etc. C’est une expérience de vie, il faut la faire. Autour de moi, je ne connais personne qui regrette d’être parti !

Partir à l’étranger, un atout indispensable au niveau professionnel pour les jeunes ?
Il est absolument impossible aujourd’hui de devenir journaliste si l’on ne possède pas une langue étrangère. Il y a de toute façon des épreuves à l’entrée des écoles. Très souvent, des aspirants journalistes sont recalés parce qu’ils ne parlent pas assez bien une langue étrangère. Je pense que c’est donc une nécessité. Celui qui ne parlera pas ou qui ne se débrouillera pas correctement dans une autre langue ne deviendra pas journaliste, je dis ça par expérience et ça s’est vérifié depuis que je suis journaliste.

L’anglais domine mais d’autres langues peuvent être utiles selon vous ?
Je connais un jeune de Limoges (juriste de formation) qui s’est arrêté un an pour apprendre l’allemand et qui est devenu journaliste grâce à ça. La plupart choisissent l’anglais mais pourquoi pas l’espagnol et l’allemand.

Parler au moins une langue étrangère est donc un atout ?
Tout à fait. Je pense que c’est même indispensable. Sur le plan personnel, ça permet aussi de voyager grâce notamment à l’anglais dans des tas de pays. Ce n’est pas la langue universelle mais cela facilite les voyages et ça permet aussi de voir des films en VO pour les cinéphiles.

Votre voyage vous a certainement donné envie de repartir par la suite. Avez-vous pu partir à l’étranger dans le cadre de votre travail ?
Dans le cadre professionnel, je n’ai eu qu’une véritable expérience (où l’on a d’ailleurs parlé français). Nous sommes allés couvrir, avec la radio, une mission humanitaire du comité catholique contre la faim et pour le développement au Niger, en 2006, durant trois semaines. Mais je n’ai jamais arrêté de voyager. Après, on fait des choix ; je n’ai pas de grosses voitures mais je voyage ! Visiblement, mes enfants me suivent dans ce domaine : ma fille passe plus de temps à l’étranger qu’en France. On grandit en voyageant et en rencontrant les autres, c’est une évidence ! Donc dès qu’on peut voyager, il faut le faire.

Vous sentez-vous européenne ou française avant tout ?
Nous avons des passeports européens mais c’est vrai qu’on reste français. Je crois qu’il Il ne faut pas opposer les deux. Je crois qu’on est européen avec une ou des particularités françaises mais j’ose espérer et croire que nous sommes vraiment européens.